La justice sociale et la politique d'achat de MEC

Sommaire
 
1. Une politique d'achat éthique digne de ce nom ne devrait pas considérer les entreprises qui profitent des guerres et de l'occupation comme des fournisseurs éthiques. Je vais travailler pour changer les politiques de MEC afin de refléter ce principe.
 
2. Pour que la participation des membres soit significative, elle doit être basée sur un débat informé, ouvert et accessible à tous les membres.
 

Photo: Independent Jewish Voices – Halifax
La controverse du Boycott
 
Le comportement récent de MEC vis-à-vis des résolutions des membres a éclairé ma vision concernant les prochaines étapes à mettre en œuvre afin de solidifier l'engagement de la coopérative envers la justice sociale.
 
MEC a fait l'objet d'une controverse en 2009, lorsque les membres ont présenté une résolution à l'assemblée générale annuelle, proposant que la coopérative arrête de transporter des produits fabriqués en Israël. La proposition faisait partie de la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions, un appel lancé par 171 groupes palestiniens de la société civile, et articulé autour de trois demandes: la fin de l'occupation et l'abolition du mur de séparation, l'égalité des droits pour les Palestiniens vivant en Israël, ainsi que le droit des réfugiés de rentrer chez eux.
 
Lors de la réunion de Vancouver, les opposants à cette proposition étaient plus nombreux que ses partisans. La proposition a été défaite.
 
Lors de l'AGA de 2010, une série de mesures limitant les résolutions des membres ont été adoptées par les participants. (Procès-Verbal: 2009, 2010)
 
Dans une série d'articles de blogue (1, 2, 3), le directeur de l'approvisionnement éthique à MEC, Harvey Chan, a énoncé les raisons de MEC pour s'opposer à la résolution de boycott. Entre autres, il a affirmé (notre traduction):
... Nous ne divisons pas notre chaîne d'approvisionnement le long de lignes politiques. En clair, nous ne prendrons pas parti dans le conflit Israélo-Palestinien. Nos efforts pour les droits humains sont clairement concentrés sur notre chaîne d'approvisionnement – sur l'amélioration des conditions de travail dans les usines et le traitement des travailleurs et travailleuses qui fabriquent les produits de marque MEC. Bien que cela puisse paraître de la lâcheté pour certains ou une trahison pour d'autres, cela reste notre conviction et notre intention est de ne pas en changer.
Chan n'a pas mentionné le nom de l'un des fournisseurs de MEC, basé à Haifa, Source Vagabond. Ce fabricant affirme lui-même que plusieurs de ses employés sont des « ex-officiers expérimentés des unités élites de la IDF (Armée de défense israélienne) » et qu'il est un fier fournisseur de l'IDF et de l'US Marine Corps (Corps des Marines des États-Unis). Leurs systèmes d'hydratation ont des noms comme "USarmy TACTICAL 3L", "ASSAULT", "COMMANDER", et "STRIKE 3L."
 
Ma position
 
En tant que candidat au conseil d'administration, je ne crois pas qu'il revient aux membres du conseil de modifier la politique de MEC pour un pays en particulier. Ce genre de décision doit pouvoir se prendre, au minimum, avec l'appui d'une majorité relative des trois millions membres de la coopérative.
 
Je crois aussi qu'il est tout à fait légitime pour les membres de la coopérative de prendre des décisions politiques de ce genre. Aujourd'hui, peu nombreux sont ceux qui s'opposeraient au boycott du régime raciste déchu de l'Afrique du Sud, mais à l'époque, la lutte contre l'apartheid a été vivement contestée dans un grand nombre de milieux. (Les procès-verbaux de MEC des années 80 ne sont pas disponibles, mais il serait intéressant de connaître l'histoire, surtout compte tenu du rôle de la communauté sportive internationale dans le boycott de l'apartheid en Afrique du Sud.)
 
En tant que membre du conseil, mon devoir serait de veiller à ce que les différents points de vue dans le débat soient accessibles à tous les membres, afin de faciliter une décision éclairée en cas de vote.
 
Cependant, j'estime que le mandat confié au conseil par les membres est de fixer des normes éthiques élevées en ce qui concerne la sélection des fournisseurs. Voir ci-après.
 
Une approche différente
 
L'approche de la direction pour gérer la controverse est tout à fait compréhensible, si on se met à sa place. Un débat interne polarisé a le potentiel d'embarrasser la coopérative, de créer des problèmes de relations publiques, et de détourner l'attention des priorités existantes.
 
Cependant, je crois qu'une approche qui considère l'adhésion passionnée comme un atout, et la participation comme la solution et non le problème, est la vraie et authentique approche coopérative.
 
Faciliter la participation des membres
 
Nous devrions être fiers de ce qui distingue les coopératives de leurs homologues, les entreprises privées. Chan a fait le minimum afin de mettre en évidence les « obligations » qu'a MEC envers ses membres, mais la position globale de MEC était défensive.
 
Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour expliquer qu'au-delà des obligations, la participation des membres est ce qui fait des coopératives l'un des modèles les plus démocratiques et équitables que nous connaissons, afin de gérer l'activité économique ?
 
Un débat organisé et bien animé entre les membres est la seule façon pour que ces derniers puissent participer pleinement à la prise de décisions dans une coopérative de trois millions de membres.
 
Concrètement, quelques heures par an dans une salle à Vancouver ne sont pas assez pour que les membres puissent discuter de ces questions critiques. MEC doit ouvrir les canaux de communication afin de permettre aux membres de parler entre eux.
 
Une telle ouverture présenterait de nombreux défis, mais ils sont loin d'être insurmontables. Par exemple, un système qui donne une importance accrue aux propositions soutenues par un nombre majoritaire de membres serait plus efficace pour filtrer les résolutions perturbatrices que les mesures restrictives adoptées à l'AGA de 2010.
 
La justice sociale et les achats éthiques
 
Logiquement, il semble incohérent de favoriser l'éthique d'une part et de profiter de la guerre et des occupations militaires d'autre part. Dans la politique d'achat éthique actuelle de MEC, les deux vont de pair.
 
Peu d'institutions de la taille de MEC ont une politique d'achat éthique. Plusieurs ne portent que peu d’intérêt à la question d'éthique en général. Nous sommes heureux que MEC soit à un niveau éthique élevé, mais nous pouvons faire mieux.
 
Je propose que vous profitiez de la guerre et de l'occupation, ou que vous deveniez un fournisseur éthique, mais pas les deux.
 
Le principe devrait s'appliquer quel que soit le pays d'origine. Si un fabricant d'armes russe, profitant du siège militaire de la Tchétchénie, fait de très beaux sacs de couchage, MEC devrait trouver un autre fournisseur. Si une filiale de Lockheed Martin fabrique des bottes de randonnée de qualité, ou qu'une usine appartenant à des dirigeants philippins paramilitaires fait des chaussettes de haute qualité, le même principe s'appliquerait. La fabrication d'armes est un important secteur en pleine expansion au Canada, qui ne devra pas non plus faire exception.
 
La politique d'achat éthique pourrait être améliorée à plusieurs niveaux. Les guerres et occupations militaires, en particulier, sont les moins compatibles avec les objectifs de MEC. Les deux entraînent la mort et la destruction. Tous deux ont des impacts environnementaux massifs, allant de la consommation de carburant aux déversements de pétrole et de produits chimiques, en passant par la contamination en uranium appauvri.
 
Sans aucun doute, la guerre et l'occupation empêchent les gens de profiter des activités et des expériences de plein air.
 
Pour toutes ces raisons, la séparation entre l'éthique et la guerre est un bon endroit où commencer afin d'améliorer la politique d'achat.